La révolution numérique est un défi majeur pour ce secteur, car l’intelligence artificielle et les robots sont en train de changer la face du private banking

Le private banking est reconnu comme un secteur traditionnel, où le conseiller clientèle est proche de ses clients et leur propose des services optimaux. La révolution numérique est un défi majeur pour ce secteur, car l’intelligence artificielle et les robots sont en train de changer la face du private banking. Le potentiel de réduction des coûts, de développement des connaissances et d’amélioration de l’expérience client est tout simplement considérable.

Les robots ou robots-conseillers

Nous connaissons tous R2-D2, le fameux robot de Star Wars. On a du mal à imaginer R2-D2 au service de clients bancaires. Pourtant, ce qui peut nous sembler étrange est déjà bien réel au Japon.

Les robots Nao et Pepper travaillent au service des clients de la Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ au sein de sa grande succursale de Tokyo. Nao parle japonais, anglais et chinois et a été développé par la société française Aldebaran Robotics, filiale du géant japonais des télécommunications et des nouvelles technologies SoftBank Corp. La Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ est considérée comme la première grande institution financière à mettre un robot en contact direct avec les clients. Si le robot n’a pas vocation à remplacer les salariés de la succursale, il est néanmoins utilisé pour accueillir les clients, répondre à des questions simples dans différentes langues et permettre à certains membres du personnel de s’adonner à des services à plus forte valeur ajoutée. Des caméras haute définition enregistrent et reconnaissent les clients afin que ces derniers soient identifiés dès qu’ils entrent dans la succursale.

Nao et Pepper ne sont pas encore assez avancés pour donner des conseils en placement aux clients, mais on en est qu’au début. Les «robots-conseillers» sont la version allégée des robots, et ils deviennent de plus en plus populaires dans le secteur financier: il s’agit de plates-formes de conseil en placement en ligne automatisées et bien financées qui peuvent proposer des services de portefeuille à très bas coûts.

Comment le modèle du robot-conseiller fonctionne-t-il?

Les robots-conseillers suggèrent des placements sur la base d’algorithmes. En général, le client commence par remplir un questionnaire, à partir duquel est calculé un comportement d’investissement. Au fil du temps, le robot-conseiller met à jour ses propositions de placement en se basant sur le feed-back du client. Bien évidemment, il existe de nombreuses variantes de ce modèle, avec différents algorithmes et différents niveaux d’implication humaine.

Pourquoi utilisons-nous aujourd’hui des robots-conseillers?

Tout d’abord, parce que les nouvelles technologies le permettent: l’analyse avancée permet de générer des tendances et des statistiques à partir d’un grand nombre de données. De plus, la connectivité fait que l’on s’attend à ce que tous les services soient disponibles en tout lieu et en tout temps.

Ensuite, il reste un marché mal desservi. Aux États-Unis, par exemple, plus 32 000 milliards de dollars d’actifs sont encore disponibles, parmi lesquels 33% à 40% appartiennent à des investisseurs de milieu de gamme*. De plus, les investissements de départ des jeunes investisseurs ou HENRY («High Earnings Not Rich Yet») sont généralement faibles (<50 000 EUR), or ce montant est rarement économique pour les grandes banques à ce stade. De plus, les frais de conseil des opérateurs historiques sont souvent trop élevés pour les investisseurs débutants.

Enfin, n’oublions pas l’aspect de l’investissement passif: les robots-conseillers mettent souvent l’accent sur les produits d’investissement passifs (comme les fonds indiciels) dans leurs conseils en placement, en raison du plus faible coût des transactions et de la stabilité qu’ils génèrent en termes de gestion de portefeuille.

Près de 80% des 20 milliards de dollars d’actifs sous gestion que les robots-conseillers exploiteront d’ici fin 2015 seront gérés par des sociétés américaines, d’après l’entreprise de recherche indépendante suisse MyPrivateBanking.

Une formidable opportunité pour les acteurs traditionnels

Les banques privées peuvent utiliser des plates-formes automatisées pour améliorer leur rentabilité, en attirant les plus petits clients.

Mais, plus généralement, l’évolution vers le conseil en ligne automatisé s’inscrit dans une tendance plus imposante, avec des banques privées censées offrir des modèles de prestation de services adaptés aux divers besoins et préférences des clients.

La plupart des investissements technologiques du private banking sont aujourd’hui réalisés au niveau du front-office en vue de fidéliser les clients toujours plus exigeants. Mais les banques restent très dépendantes des processus manuels et disposent généralement d’un back-office organisé par produit. Cela signifie que, si elles ne mettent pas d’abord à niveau leurs systèmes de back-office, elles seront incapables d’offrir aux clients des services plus sophistiqués, comme le trading en libre-service, ou de mettre en place des contrôles automatisés sur les portefeuilles, car ces contrôles requièrent une vue consolidée des actifs des clients.

Le coût est un obstacle majeur, auquel s’ajoutent les croyances erronées selon lesquelles les investissements technologiques ne pourraient pas se faire en modules et que les nouveaux systèmes ne pourraient pas s’intégrer aux systèmes existants. Cependant, l’utilisation croissante des robots-conseillers apporte un certain niveau de démocratie dans le monde des services financiers, car un robot-conseiller peut répondre à plus de clients qu’un conseiller financier sur une même période de temps. Et, avec la baisse des coûts technologiques et l’amélioration croissante du système (intelligence artificielle), les robots-conseillers offriront la même qualité de service à chaque client, quel que soit son portefeuille ou son niveau de richesse.

La banque adopte l’intelligence artificielle

Pour accompagner cette hausse de popularité des robots-conseillers, le secteur bancaire se tourne également vers l’intelligence artificielle. IBM, par exemple, a annoncé que son application «built banking» de conseil par chat basée sur Watson était prisée par les banques pour le service clientèle et la gestion de patrimoine. Genesys, une société de service client, utilisera le système Watson d’IBM pour améliorer sa gestion des besoins des clients.
IBM pense également que l’intelligence artificielle joue un rôle majeur dans la démocratisation de la gestion de patrimoine. L’objectif est de partir de l’expertise des conseillers en gestion de patrimoine pour créer un système permettant aux clients d’interagir avec lui et d’obtenir une première série de réponses sur ce qu’est la gestion de fortune. Mais l’utilisation de l’intelligence artificielle pour la gestion de patrimoine va au-delà des simples applications de questions-réponses, puisque la banque de développement de Singapour DBS et la banque australienne ANZ sont en train de développer des applications de gestion de fortune basées sur Watson.

Barclays a également annoncé son intention d’utiliser la technologie des robots pour les transferts d’argent et d’autres tâches rudimentaires. Un système d’intelligence artificielle (IA) similaire à Siri, l’assistant personnel intelligent d’Apple, peut être utilisé pour que les gens puissent parler à un appareil et obtenir les informations qu’ils demandent.

La perfection n’est pas encore atteinte

Les robots-conseillers présentent deux inconvénients pour le private banking. D’abord, ils appliquent des algorithmes pour créer des portefeuilles essentiellement composés d’ETF. Ces portefeuilles sont très efficaces, mais ils ne répondent pas aux besoins financiers complexes des clients du private banking. Ensuite, la portée des robots-conseillers est surtout locale, car leur offre s’inscrit dans une stratégie d’optimisation de la fiscalité locale, alors que les clients private banking ont souvent des besoins mondiaux. Cela étant dit, les banques privées ne doivent pas en tirer un réconfort trompeur. Ces inconvénients ne sont pas d’ordre structurel, mais temporaire, et grâce au pouvoir de l’innovation, les robots-conseillers devraient bientôt les surmonter.

Ainsi, l’initiative Credit Suisse Digital Private Banking vise à combiner l’efficacité des robots-conseillers d’aujourd’hui avec la capacité de répondre aux besoins complexes des clients fortunés et d’offrir à ces derniers les services qu’ils attendent. Cependant, les plates-formes de placement en ligne automatisées combinées avec l’intelligence artificielle peuvent également être à l’ordre du jour, développées en parallèle d’une nouvelle génération de modèles de tarification du conseil, ce qui permettrait aux clients d’adapter les modèles de service à leurs besoins personnels. Les conseillers clientèle ne seront plus le point de contact unique des clients. Mais ils resteront au cœur de la relation avec le client, et le private banking est et restera une activité axée sur les personnes.

La question est de savoir si les robots-conseillers ou l’intelligence artificielle pourront un jour remplacer l’interaction humaine.

Nao et Pepper ont plus à offrir sur le plan visuel qu’en termes d’intelligence, mais on n’en est qu’au début. Ils sont une tentative d’humanisation du modèle du robot-conseiller. Après tout, l’élément humain est un facteur important de ces développements, et l’un des défis consiste à savoir s’ils pourront un jour remplacer l’interaction humaine. Pour le moment, les robots-conseillers sont encore limités en termes de produits et de régions, mais les choses pourraient changer.