Le secteur bancaire mondial a vécu de nombreuses crises économiques et financières, depuis le krach de 1929. Mais a-t-il connu pareille restructuration que celle engagée depuis 2012, après la crise financière des subprimes (crédits immobiliers à risques américains) et celle de l’euro ?

De part et d’autre de l’Atlantique, l’actualité est rythmée, depuis plusieurs semaines, par des vagues de suppressions d’emplois, notamment dans les grandes banques européennes. En 2014, ce sont les licenciements à Wall Street qui avaient fait la Une.

S’il est trop tôt pour un bilan, les réductions d’effectifs dévoilées par HSBC, mardi 9 juin (25 000 emplois supprimés d’ici à 2017, auxquels devraient s’ajouter 25 000 autres déjà annoncés, liés à la vente de filiales au Brésil et en Turquie), et celles escomptées à la Deutsche Bank, qui promet un plan d’économies de 4,7 milliards d’euros, viennent alourdir une addition déjà spectaculaire.

Lourd tribut

Ensemble, selon des données compilées par l’agence Reuters, les plus grandes banques d’Europe et des Etats-Unis (18 uropéennes et 6 Américaines) ont supprimé 59 000 emplois en 2014 : 21 500 emplois pour les premières et 37 500 pour les secondes. Si l’on y ajoute les coupes claires de 2013, le chiffre grimpe à 160 000… Ce qui représente, pour marquer les esprits, l’équivalent, en France, de la population de la ville d’Annecy.

De son côté, l’agence Bloomberg a comptabilisé les pertes d’emplois enregistrées dans le secteur bancaire américain depuis cinq ans. Et selon son comptage, les six plus grandes banques de Wall Street (JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Wells Fargo, Citigroup et Bank of America) ont détruit près de 80 000 emplois sur cette période – dont 4 000 depuis le début de l’année. Ce sont les salariés de Bank of America qui ont payé le plus lourd tribut à ces restructurations.

A la différence des vagues de licenciements passées, qui étaient conjoncturelles et qui ont pour partie été effacées ensuite par de nouvelles créations de postes, ces nouvelles réductions d’effectifs procèdent d’une adaptation structurelle des banques aux nouvelles règles bancaires édictées après les crises de 2007-2009 et de 2010-2011.

De fait, l’environnement bancaire a changé. D’une part, les règles prudentielles (de fonds propres, de liquidités…) ont été durcies, afin de sécuriser le système bancaire. Les banques ont été contraintes de s’adapter, en réduisant la voilure dans les métiers les plus risqués, et désormais les plus coûteux, notamment dans la banque d’investissement. Cela a nui à l’emploi.

Scandales financiers de grande ampleur

D’autre part, ces crises ont servi de révélateur pour les banques qui avaient cédé à la course au gigantisme, pendant les années d’euphorie financière, et qui avaient laissé filer leurs systèmes de contrôles, en même temps que leurs bilans bancaires. Leur taille, qui avait porté leur croissance, est devenue un handicap…

Plusieurs d’entre elles, à l’exemple de HSBC, se sont retrouvées prises dans des scandales financiers de grande ampleur, tels les récentes affaires de manipulation de taux ou de blanchiment d’argent issu du trafic de drogue ou de la fraude fiscale (l’affaire SwissLeaks, révélée par Le Monde en février, en partenariat avec le Consortium international pour le journalisme d’investigation (ICIJ)).

In fine, ces suppressions d’emplois, qui devraient se poursuivre cette année encore, tout particulièrement en Europe, témoignent d’une chose : l’âge d’or des banques semble bel et bien révolu.