Neuflize OBC, Edmond de Rothschild, UBS, Oddo… Pourquoi les banques privées non adossées à une banque de détail en France seraient probablement les premières à initier une consolidation ? Un tel mouvement est souvent déclenché par une recherche d’économies d’échelle, les petits acteurs n’ayant pas atteint une dimension suffisante pour être rentables. La question de la taille critique en banque privée est intéressante : 5, 10, 20 milliards d’euros d’actifs gérés ? Nous entendons ici et là des convictions tout aussi fortes que divergentes. La taille est-elle véritablement un facteur déterminant de la rentabilité ? L’analyse purement statistique des résultats passés des établissements en France ne démontre en fait qu’une très faible corrélation entre coefficient d’exploitation et taille des encours gérés. Une grande partie des coûts étant essentiellement variables. Néanmoins, cette réalité évolue très vite.
Dans les trois prochaines années, les banques privées vont devoir affronter deux changements qui nécessiteront une transformation en profondeur de leurs modèles d’affaires : la fin des rétrocessions sur produits financiers et le développement exponentiel du numérique. Ces bouleversements vont engendrer des investissements colossaux et augmenteront durablement les coûts fixes.
D’une part, la fin des rétrocessions est planifiée par la directive MIF II (Marchés d’instruments financiers, NDLR) qui entrera en vigueur début 2017. Déjà largement anticipée au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, elle prône notamment une meilleure corrélation entre les services rendus par la banque et sa rémunération. Aujourd’hui, une banque privée fournit d’un côté de nombreuses prestations à titre gracieux et, de l’autre, perçoit des rétrocessions de la part des sociétés de gestion qui gèrent les OPCVM souscrits par les clients de la banque. Tous les acteurs vont devoir ainsi repenser leurs modèles d’affaires en structurant et renforçant certains services existants afin de pouvoir les facturer directement au client et ainsi compenser la perte des rétrocessions. Cette transformation va nécessiter des moyens importants.
D’autre part, la révolution numérique est en marche. La banque privée a toujours été en retrait par rapport à cette évolution sociétale, privilégiant la qualité de la relation entre le conseiller et son client aux services en ligne. Les deux concepts ne sont plus opposés mais complémentaires. Les banques privées de tout premier plan au niveau mondial l’ont bien compris. Elles investissent des dizaines de millions d’euros chaque année dans le numérique, se procurant ainsi un avantage concurrentiel déterminant. Par ailleurs, les nouveaux entrants privilégiant les modèles 100 % digitaux de type « robo-advisors » commencent à être pris très au sérieux. WealthFront, un des acteurs américains de référence, bat son record de collecte de mois en mois pour atteindre aujourd’hui un rythme annuel de 1,6 milliard de dollars (1,42 milliard d’euros) par an. Même si les marchés sont très différents, un nombre limité d’établissements en France peut prétendre à ce niveau de collecte aujourd’hui.
Les banques privées vont devoir s’unir pour faire face à ces transformations. Le secteur compte aujourd’hui une quarantaine d’acteurs en France. La moitié d’entre eux gèrent moins de 5 milliards d’euros d’actifs. Ceux non affiliés à une banque de détail ne peuvent compter sur le vivier important de clients fortunés que représente un réseau. Le marché de la banque privée étant atone, la croissance externe représente donc l’option la plus viable. La bonne santé financière de ces maisons, liée notamment à l’évolution positive des marchés et le retour des clients sur des produits action fortement margés, leur permet d’envisager des acquisitions. Une activité de banque privée se valorise aujourd’hui en moyenne à 1,8 % des actifs sous gestion, la variance autour de cette moyenne pouvant être élevée en fonction de la qualité du fonds de commerce.
Un autre scénario de consolidation envisagé par certains acteurs consisterait à mutualiser leurs moyens au sein de coentreprises. L’informatique, les fonctions supports, les spécialistes produits seraient ainsi mis en commun ; seuls la marque, les banquiers et quelques produits exclusifs resteraient spécifiques. Quels que soient les scénarios, une recomposition du paysage de la banque privée en France se prépare.