Le franc fort a conduit à une baisse des recettes sur la gestion de fortune. Les établissements financiers demandent un meilleur accès au marché européen
Les banquiers privés réunis au sein de deux organisations (l’association de banques privées suisses et celle de banques suisses de gestion), donnent de la voix. Au cours d’une conférence de presse, jeudi à Berne, ils se sont plaints de souffrir du franc fort, au même titre que l’industrie d’exportation, et demandent aux instances politiques d’améliorer les conditions-cadres, tout particulièrement l’accès au marché européen.
La question des restrictions de l’immigration liées à la mise en œuvre de l’initiative de l’UDC approuvée par le peuple en février 2014 est aussi une source de préoccupation de la place financière. Les banquiers privés estiment que le potentiel de main-d’œuvre indigène est pratiquement épuisé alors que, depuis 2011, la proportion d’étrangers travaillant dans les banques suisses a reculé de 3%.
Ce sujet était à l’ordre du jour mais n’a pas été abordé directement par Boris Collardi, président de l’association de banques suisses de gestion (ABG) et patron du groupe Julius Baer. Il s’est contenté de rappeler le poids des banques privées helvétiques dans la gestion de fortune européenne, soit 960 milliards de francs sur un total 3 080 milliards sous gestion.
La Suisse détient toujours la part la plus importante sur le marché mondial de la gestion de fortune transfrontalière, soit 25% sur un volume estimé à plus de 10 000 milliards de francs. Mais cette part, qui était encore de 27% en 2011, diminue, grignotée par des places concurrentes comme Hongkong et Singapour (16% contre 13% en 2011), ou les îles anglo-normandes (13%).
«La décision de la Banque nationale suisse (BNS), il y a un an, de lever le taux plancher a été un choc. Nous avons tous dû revoir nos budgets», se rappelle Yves Mirabaud, président de l’association de banques privées suisses.
Le choc du franc fort
Les coûts de la gestion offshore étant en francs suisses et la majorité des recettes en monnaie étrangère, les banquiers privés ont subi de plein fouet, comme l’industrie d’exportation ou le tourisme, les effets du renchérissement du franc suite à la décision de la BNS, constate Boris Collardi. La baisse des actifs sous gestion, de 6%, s’est accompagnée d’une réduction de 5,6%, à 25 milliards de francs, du produit brut.
L’effet de la levée du taux plancher sur les coûts s’apparente, selon le président de l’ABG, à celui subi dans l’horlogerie par Swatch par exemple. Dans la banque privée, en moyenne, 55% des coûts, mais 15% des recettes seulement, sont en francs suisses.
La mise en place des intérêts négatifs occasionne en outre un préjudice de «plusieurs centaines de millions de francs», selon le patron de Julius Baer. Yves Mirabaud soupire en relevant que la mesure touche les banques de manière très inégale, mais que la BNS, après des discussions avec la branche, n’entend pas modifier le système.
Confrontés au durcissement des affaires et à la pression sur les marges bénéficiaires, les banquiers privés demandent une amélioration de l’accès au marché européen. «Nous ne pouvons plus nous contenter d’attendre le client étranger. Notre offre doit se faire sur une base active», relève Boris Collardi. Cela implique le démarchage direct à l’étranger depuis la Suisse, ce qui n’est pas possible dans de nombreux pays de l’Union européenne (UE). Un accord a été signé avec l’Allemagne et des discussions sont en cours avec les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie. «Un accord global sur les services financiers avec l’UE serait souhaitable, mais n’est pas réalisable à court terme», regrette le patron de Julius Baer.