Martin Flanagan, le président-directeur général d’Invesco depuis 2005, explique aux « Echos » sa stratégie de développement. La société de gestion compte sur sa taille et la diversité de son offre pour assurer sa place parmi les gagnants de la vague actuelle de consolidation.
Invesco s’apprête à faire son entrée dans la cour des grands. Vendredi, le gestionnaire d’actifs aura bouclé l’acquisition d’Oppenheimer Funds, un spécialiste de la gestion active outre-Atlantique. L’opération signe l’entrée d’Invesco dans le club restreint des gestionnaires avec plus de 1.000 milliards de dollars d’encours. Avec 1.175 milliards de dollars d’actifs sous gestion, Invesco se classera au 13e rang mondial. Une nécessité pour survivre dans l’environnement actuel, explique aux « Echos » son directeur général, Martin Flanagan.
« Il y a toujours eu des discussions sur la consolidation dans la gestion d’actifs, mais cette fois est différente », estime-t-il. « L’environnement de marché compliqué par l’intervention des banques centrales suite à la crise financière est un premier facteur. Les coûts de plus en plus importants liés à la réglementation et à la nécessité d’investir sans cesse dans la cybersécurité en sont un autre. Enfin, c’est la croissance phénoménale de la gestion passive et la pression qu’elle exerce sur l’industrie qui vont pousser à la consolidation. Les plus grands gestionnaires sont destinés à grandir, les plus faibles continueront à s’affaiblir. »
Partenariat de long-terme
Outre ses encours, Oppenheimer Funds apporte à Invesco un actionnaire de long-terme. L’assureur américain MassMutual a cédé sa filiale de gestion contre une participation de 15,5 % dans Invesco. « C’est un partenariat stratégique de long-terme, pour eux comme pour nous », insiste Martin Flanagan. « Notre collaboration prendra de nombreuses formes dont les détails seront annoncés dans les prochains mois », ajoute-t-il.
Financièrement, Invesco vise 475 millions de dollars de synergies de coûts d’ici à 2020, soit 14 % de la base de coûts de l’entité combinée. Dès la fin de l’année, 85 % des synergies devraient être mises en place. Spécialiste de gestion active, Oppenheimer Funds affiche par ailleurs une rentabilité de ses actifs sous gestion de 60,7 points de base (pb), largement supérieure aux 37,6 pb dégagés par Invesco.
La rentabilité de ce dernier est en partie grevée par son activité en gestion passive de fonds indiciels cotés (ETF). En quelques années, avec l’acquisition de Source puis de Guggenheim , Invesco s’est fortement développé sur ce marché à faible rentabilité. La gestion passive représente désormais 210 milliards de dollars d’encours sur les 955 milliards gérés par la société.
Contenir la décollecte en gestion active
Et la dynamique favorise clairement la gestion passive. Depuis début 2017, les retraits se sont concentrés sur la gestion active, avec des sorties nettes dépassant les 45 milliards de dollars. La collecte en gestion passive a atteint quant à elle 6,8 milliards de dollars sur la période.
Le défi à l’avenir pour Invesco sera de contenir l’érosion des encours en gestion active. « L’enjeu est d’être en capacité de proposer aux clients tout ce qu’ils peuvent vouloir, mais sans taille critique, il sera difficile d’être compétitif », estime Martin Flanagan. « Il y a une place pour la gestion active, à 100 % », espère-t-il. D’autant que « le contexte de marché difficile a permis d’évincer les du marché », ajoute-t-il en référence aux fonds qui répliquent un indice en prétendant offrir une gestion active.
Désormais fermement ancré parmi les plus grands gestionnaires mondiaux, Invesco va notamment mettre l’accent sur la distribution de ses fonds et l’innovation technologique. La société a récemment fait l’acquisition de plates-formes en architecture ouverte ciblant les intermédiaires de la distribution, l’américain Jemstep en 2016 et le britannique Intelliflow l’an dernier. La collecte et l’analyse de leurs données doivent offrir un avantage concurrentiel significatif sur le long terme, promet la société de gestion.
Ambitions chinoises
La fragmentation du marché risque toutefois de ralentir le déploiement de ces outils en Europe continentale. En France, le succès de l’industrie locale pose ses propres problèmes. « Les champions nationaux défendent férocement leur pré carré », reconnaît Martin Flanagan. « Les fonds de fonds rencontrent un certain succès, mais le marché retail reste un défi. »
La Chine représente un autre axe de développement majeur pour Invesco. La société y bénéficie d’une dynamique porteuse, avec des encours en hausse de 25 % l’an dernier à 50 milliards de dollars, dont 31 milliards avec sa coenteprise Invesco Great Wall. A l’instar d’autres gestionnaires, Invesco négocie sa prise de contrôle (elle détient aujourd’hui 49 % du capital) suite à l’évolution de la législation chinoise.
Bastien Bouchaud
Source : lesechos.fr