Libra Association, Goldman Sachs, Bank of China, le timing est favorable pour la cité de Calvin.
Juste avant la pause estivale, plusieurs annonces en lien avec la place financière genevoise ont eu un écho qui a largement dépassé les bords du Léman. A commencer bien sûr par l’annonce à la mi-mai de la création de Libra, le projet de crypto-monnaie de Facebook, dont la gestion est confiée à la Libra Association, une entité indépendante qui a pris ses quartiers à Genève. Quelques jours plus tard, Goldman Sachs a indiqué vouloir rouvrir un bureau dans la cité de Calvin. En plus d’avoir une succursale bancaire à Zurich, la banque d’affaires américaine disposera d’une agence à Genève, susceptible d’employer jusqu’à 25 collaborateurs. Et début juillet, Bank of China a pour sa part laissé entendre que l’établissement était prêt à tenter à nouveau l’aventure genevoise.
Simple coïncidence du calendrier ou début d’une tendance? Il est encore difficile de se prononcer à ce stade. Dans tous les cas, ces différentes annonces s’inscrivent à contre-courant du déclin subi par la place financière genevoise si l’on se base sur certains classements internationaux consacrés à la finance. Face à l’émergence de nouveaux centres financiers, en Asie notamment, il est en effet devenu toujours plus difficile pour Zurich et Genève, surtout, de se maintenir dans le haut du classement des principaux hubs de la finance mondiale. Ainsi, dans le dernier classement du Global Financial Centres Index (GFCI) – toujours dominé par le trio de tête de New York, Londres et Hong Kong –, Zurich, a regagné ce printemps un rang pour se situer à la huitième place, placé entre Toronto (7e) et Pékin (9e). En revanche, Genève ne figurait toutefois plus qu’en 28e position de ce classement, en recul d’un cran par rapport au précédent. La ville du bout du Lac se situait ainsi juste après Paris (27e) et elle ne devançait plus que de quelques points la ville chinoise de Qingdao (29e) que bien peu d’Européens sauraient situer sur une carte.
ne manque pas de receler une certaine ironie sur le plan intra-helvétique.
Faut-il s’inquiéter de la perte d’importance de Genève dans un ce classement? Pas forcément. D’une part, car il s’agit d’un déclin relatif qui reflète aussi la progression de certaines places financières issue de pays émergents. D’autre part, le classement du GFCI n’intègre qu’avec un certain décalage les développements en cours pour chaque place financière. A cet égard, les projets dévoilés par Facebook et la Libra Association, Goldman Sachs et Bank of China ont la particularité de concerner trois domaines clé pour l’avenir de la place financière, à savoir les crypto-monnaies, la banque d’affaires et l’Asie.
S’agissant des crypto-monnaies, le fait que la Libra Association ait choisi de s’implanter à Genève ne manque pas de receler une certaine ironie sur le plan intra-helvétique. En effet, la structure en charge de gérer la nouvelle monnaie virtuelle de Facebook a expliqué le choix de Genève par l’argument, certes peu surprenant, de la tradition de neutralité en Suisse mais aussi par l’ouverture du pays envers la technologie des chaînes de bloc («blockchain»), un domaine où la «Crypto Valley» de Zoug a jusqu’ici justement joué un rôle de pionnier. Le fait que David Marcus, l’instigateur du projet Libra, ait grandi et étudié à Genève, n’est bien sûr pas étranger à ce choix. Pour autant, il était tout sauf évident pour Genève de s’imposer face à la multitude des villes qui cherchent à se positionner dans les domaines des crypto-monnaies et des technologies financières.
Même s’il n’a pas fait l’objet d’annonces récentes particulières, un autre domaine en plein développement à Genève est celui de la finance durable. Avec 145 acteurs recensés en Suisse romande, la ville du bout du lac occupe désormais une place de choix dans l’investissement responsable. Selon des données rassemblées ce printemps par Sustainable Finance Geneva, pas moins de 45 institutions se consacrent uniquement à la finance durable dans la région. Outre quelque 70 organisations internationales, fondations et associations, l’écosystème de la finance durable en Suisse romande comprend aussi 65 acteurs privés, y compris les principales enseignes du secteur de la banque privée.
pour les grands groupes internationaux, qui lui préfèrent Zurich.
Malgré tous ces développements positifs récents, Genève reste en retrait par rapport à Zurich dans deux domaines. D’une part, dans le secteur de l’assurance. Hormis des sociétés spécialisées actives dans des créneaux de niche, Genève ne compte plus de leader du secteur de l’assurance en Suisse. Il faut aller jusqu’à Lausanne pour trouver un acteur important du secteur de l’assurance en Suisse avec Vaudoise Assurances.
D’autre part, Genève n’est pas souvent la première destination pour les grands groupes internationaux, notamment les gérants d’actifs, qui lui préfèrent Zurich quand ceux-ci décident de s’implanter en Suisse. Excepté quelques exemples spécifiques, comme Capital Group, qui était présent dès les années 1960 à Genève et qui ne s’est installé que plus récemment à Zurich, il reste peu fréquent que des grands gérants d’actifs internationaux choisissent d’abord Genève comme première adresse en Suisse. Legg Mason, par exemple, dispose, certes, aussi d’un bureau de représentation à Genève, mais son entité suisse est basée à Zurich. Il en va de même aussi pour BlackRock. Récemment, PGIM Investments, aux mains du géant britannique Prudential, a aussi annoncé l’ouverture d’un bureau de représentation à Zurich. Seuls les gérants d’actifs français optent presque toujours d’abord pour Genève comme première adresse lorsqu’ils s’implantent en Suisse.
Néanmoins, comme le montrent les exemples du projet Libra et de Goldman Sachs, les choses évoluent parfois très vite. Dans ce contexte, Genève a tout intérêt à continuer de surfer sur la vague favorable qui porte actuellement son secteur financier.
Source : allnews.ch