Attirer les épargnants devient de plus en plus complexe pour les banques. L’argument des taux pèse de moins en moins. Pour collecter, il faut innover.
Les vieilles recettes ne fonctionnent plus dans l’épargne. Avant la chute vertigineuse de l’environnement de taux, les banques souhaitant collecter des dépôts — l’œil vissé sur la concurrence — ajustaient les rémunérations proposées sur leurs livrets. Cette approche ne fonctionne plus. En France, les clients découragés par la faiblesse de la rémunération des livrets bancaires se tournent toujours plus vers l’assurance-vie (voir ci-dessous). Plus encore, les Européens ont dû puiser dans leur bas de laine pour maintenir leur niveau de vie malgré la crise.
Les banques européennes ne peuvent pourtant pas faire l’impasse sur la collecte de dépôts. Pour convaincre leurs clients d’épargner, elles emploient donc de nouvelles stratégies, rapporte une étude Kurt Salmon-Efma dont « Les Echos » ont pu prendre connaissance. Elles y sont acculées pour des raisons réglementaires : les banques doivent afficher dans leur bilan suffisamment de ressources dites « stables », non susceptibles d’être retirées à tout moment. Or, les dépôts des clients entrent pour les régulateurs dans cette catégorie. « La réglementation distingue par exemple entre les dépôts apportés par des clients de banque en ligne et ceux de banques traditionnelles — réputées plus stables », souligne Pierre de Brabois, senior manager chez Kurt Salmon.
Commercialement, « les stratégies dépendent de chaque positionnement, selon que l’on est un jeune entrant sur le marché de l’épargne, un établissement accordant beaucoup de crédit et qui a donc besoin de beaucoup de liquidités, ou une banque plus mature qui gère son bilan », explique Brice Leurquin, senior consultant chez Kurt Salmon. Il serait tout simplement impensable de totalement déserter les offres d’épargne tant elles font partie des services de banque au quotidien.
Rendre l’épargne indolore
Les banques cherchent à favoriser l’épargne régulière – ou même impulsive – de très petits montants. Pour y parvenir, elles développent des applications ludiques, simples d’usage et doivent dans le même temps faciliter au maximum les procédures de souscription. Ainsi, la branche canadienne d’ING Direct a ajouté une fonctionnalité baptisée « Small Sacrifices » à son application bancaire. L’idée est de visualiser le montant que l’on pourrait épargner sur 5 ou 25 ans en se passant chaque jour d’une petite dépense, comme l’achat d’un café. Gros succès outre-Atlantique, le programme Keep the Change de Bank of America permet de son côté d’épargner en arrondissant chaque dépense au dollar supérieur. Ainsi, pour une dépense de 3,43 dollars, 57 cents seront mis de côté. A noter qu’un système semblable existe en France dans le réseau LCL.
Impliquer les clients
Lorsqu’un client abonde son compte, il ne sait pas vraiment comment la banque utilise cette épargne. Certains acteurs ouvrent le capot, dans l’idée de rendre plus tangible l’impact des dépôts de la clientèle, et ainsi l’impliquer davantage. En France, la tonalité de cette stratégie se veut « responsable ». Divers livrets ou plates-formes de finance participative précisent ainsi dans quel projet l’argent sera investi. C’est le cas par exemple du dispositif « Prêt de chez moi » créé par la Nef, une coopérative d’épargne financière solidaire. Dans un style nettement plus commercial, Skandia a développé au Royaume-Uni un jeu éducatif permettant de créer une équipe de football, où chaque joueur représente un fonds d’investissement, la disposition plus ou moins défensive de l’équipe correspondant à l’appétit au risque de l’investisseur.
Récompenser les « bons » comportements
La rémunération reste naturellement l’argument massue pour attirer les clients sur un produit d’épargne et, depuis longtemps, les champions de l’épargne réservent les taux bonifiés aux clients les plus fidèles. Mais, là aussi, les règles deviennent plus fines. Aux Etats-Unis, avec son Dream Account, Barclays réserve ses bonus aux « bons » comportements. Les clients sont ainsi encouragés à réaliser plusieurs dépôts d’affilée et à ne pas retirer de fonds pendant au moins six mois. Ces objectifs sont couplés à une jauge où le client se fixe un montant d’épargne à atteindre en vue de réaliser un projet précis (études, achat de véhicule…).