Selon McKinsey, les banques privées pourraient aller chercher 66 milliards de dollars de revenus grâce à la clientèle en ligne.
L’Asie n’est pas le seul continent que les banquiers privés prospectent afin de conquérir des légions de clients aisés : c’est simplement sur Internet que les gestionnaires de fortune pourraient dès à présent séduire 42 millions de nouveaux clients dans le monde, disposant au moins de 100.000 dollars de patrimoine, estime le cabinet McKinsey dans une récente étude. Selon ses auteurs, ce chiffre serait atteint si 25 % des foyers « affluents » basculaient bel et bien vers du conseil virtuel. Cela représenterait 66 milliards de dollars de revenus pour les banques.
Ce qui rend le cabinet si optimiste c’est que les habitudes des consommateurs aisés sont en train de changer. Aux Etats-Unis, plus de 40 % des clients ayant changé de banque privée ces deux dernières années ont opté pour des modèles en ligne. La démographie joue aussi en faveur de cette évolution, puisque 72 % des Américains âgés de moins de 40 ans se sentent au moins « assez à l’aise » à cette idée. Autre argument plaidant en faveur d’une banque privée 100 % en ligne : les besoins en gestion de fortune augmentent si vite que le réseau physique ne suffira pas à y répondre. Alors même que le secteur connaît des pressions sur sa rentabilité et doit choisir ses priorités. Sur la période 2010-2020, McKinsey s’attend ainsi à une croissance annuelle de 3 % du PIB mondial… mais de 11 % des ménages disposant d’un patrimoine suffisant pour être pris en charge par un spécialiste du patrimoine.
Or, pour l’heure, l’offre numérique du secteur reste assez parcellaire, misant sur la complémentarité des outils technologiques (agrégation des données du client, alertes poussées sur son téléphone…) avec les rendez-vous physiques en agence. « Dans bien des cas, l’offre digitale est construite autour de l’agence physique. Or, une approche par “ajout” à l’offre de base ne permet pas de réduire le coût des agences et rallonge le temps de parcours du client. Une vraie transformation digitale ne viendrait pas en complément de l’offre de base, mais bien en substitution. Le digital devient un canal en soi », estime Sébastien Lacroix, directeur associé chez McKinsey. Ce service – à ne pas confondre avec un centre d’appels amélioré – serait ni plus ni moins qu’une agence en ligne : conseil octroyé par un banquier attitré ou une petite équipe centralisée, communication par téléphone, tchat ou courriel, et capacité de souscrire à des contrats de façon dématérialisée.
Au moins une dizaine d’acteurs de la gestion privée ont déjà développé des modèles de ce type dans le monde (ABN AMRO aux Pays-Bas, mBank en Pologne, le courtier Charles Schwab aux Etats-Unis…). Mais le secteur se heurte encore à de fortes résistances internes, qu’elles soient d’ordre culturel – le banquier cherchant à défendre une relation privilégiée avec le client – ou économique, si le développement de ce nouveau canal ne prévoit pas bien le partage de valeur entre les différents métiers.