Un an après sa prise de commande de la banque d’affaires, Alexandre de Rothschild tire un premier bilan. Tout en assurant la continuité, celui qui a fait ses armes dans le capital-investissement et la dette privée veut doubler de taille sur ces métiers. Il n’exclut pas des acquisitions dans la banque privée. La banque, qui tient ce jeudi son assemblée générale, a enregistré au premier trimestre un chiffre d’affaires de 444 millions d’euros, en hausse de 6% sur un an.
Le groupe a fait une très bonne année 2018, les résultats sont tout à fait satisfaisants. Nos trois moteurs que sont le conseil, la banque privée/gestion d’actifs et le capital investissement et dette privée tournent à plein régime. En ce qui concerne le conseil, nous observons une activité plutôt soutenue pour le premier trimestre. L’année s’est révélée excellente en nombre de transactions conseillées comme en revenus, et 2019 commence bien.
Nous avons souhaité il y a un an mettre en place une gouvernance qui ressemble à notre maison : elle s’inscrit dans la continuité tout en étant ambitieuse. Il n’y a pas eu de changement de style entre mon père David de Rothschild et moi-même. Je veux gérer ce groupe avec la même culture de « partnership » et de collégialité que par le passé, tout en accélérant notre stratégie. Je suis entouré par trois Managing Partners – Marc-Olivier Laurent, Robert Leitao et François Pérol – avec lesquels nous nous réunissons aussi souvent que nécessaire. Cette gouvernance fonctionne vraiment très bien. Elle est en place pour plusieurs années, comme notre comité exécutif qui comporte des membres des quatre coins du monde.
Cela s’est fait de façon très harmonieuse, car tout le monde y était préparé. Pour mon père, pour moi-même comme pour les équipes ou les clients. Pour répondre à votre question, je n’ai donc pas l’impression d’avoir une vie très différente. Certes, la charge de la direction de la maison implique une nouvelle dimension psychologique. On mesure davantage le poids de ses décisions quand il faut trancher un sujet. Les nuits sont parfois un peu plus courtes lorsque vous êtes le « last man standing » ! Mais tout cela est aussi très stimulant. Et nous avons eu la chance d’opérer cette transition au moment où Rothschild & Co est en fort développement.
Les actifs qui nous sont confiés en banque privée et en gestion ont baissé avec les marchés au dernier trimestre 2018, comme chez tous nos concurrents, mais nous avons très largement rattrapé depuis le début de l’année et avec 900 millions d’euros, notre collecte nette a été très bonne au premier trimestre. Dans le métier de conseil il y a un effet embarqué. Nous bénéficions donc d’un pipeline qui était bon en 2018 avec des opérations qui se cristallisent au premier trimestre. Quand on analyse les volumes de M&A depuis 12 mois, ils sont en baisse, mais notre modèle est très résilient grâce à sa diversification dans la taille des opérations ainsi que dans les zones géographiques. Au regard du premier trimestre et de la qualité du pipe, 2019 devrait être un bon millésime.
Peut-être que si Rothschild & Co démarrait aujourd’hui par une page blanche, il ne serait pas coté. Mais nous le sommes et il y a beaucoup de vertus à l’être. On s’est rendu compte de tous les aspects positifs que cela apporte : plus de transparence ; une capacité plus forte à attirer des collaborateurs de bon niveau ; et pourquoi pas envisager un jour de faire des opérations de fusions / acquisitions en titre. Enfin, et ce n’est pas le moins, cela permet de fidéliser nos « Partners » mondialement qui détiennent aujourd’hui 5% du groupe ; ce niveau a vocation à augmenter. S’il pouvait doubler dans la durée, je n’y verrais que des avantages.
Nous avons toujours regardé la possibilité de faire des acquisitions ciblées à notre taille dans la banque privée, et plutôt en Europe, dans les pays pour lesquels nous avons envie d’avoir la taille critique : la Suisse, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie. En France, nous avons eu l’opportunité de fusionner avec la banque Martin Maurel. Mais la croissance organique est notre principal moteur puisque nous avons eu une collecte nette positive de 2 milliards d’euros en 2018.
Nous avons engagé un effort important dans la tech. Nos bureaux en Israël, la Silicon Valley, en Asie et en Europe travaillent en réseau. Nous comptons pas moins d’une cinquantaine de banquiers experts du digital et des nouvelles technologies qui interviennent maintenant systématiquement avec les banquiers sectoriels. Quand ils se rendent chez un constructeur automobile, ils parlent autotech. Même chose dans la banque, et chez l’ensemble de nos clients industriels qui font face à des enjeux de transformation majeurs.
Absolument ! C’est même une grande satisfaction car nos efforts sont en train de payer. Nous avons trouvé la bonne stratégie, à la fois très internationale et à l’empreinte régionale très forte au cœur des grands hubs américains, de New York à Palo Alto, en passant par Los Angeles, Washington et Chicago. Nous y avons beaucoup renforcé nos équipes depuis cinq ans – avec aujourd’hui une quarantaine de banquiers seniors et nous allons encore progressivement étendre notre maillage. Nous envisageons notamment d’ouvrir un bureau à Boston.
D’ici cinq ans, nous pouvons raisonnablement doubler la taille de nos actifs dans le capital investissement et la dette privée de 11 milliards aujourd’hui, dans nos stratégies coeur : le private equity ; le secondaire ; les fonds de fonds ; la dette (senior et junior). Nous voulons franchir ce cap en dupliquant notre approche européenne outre-Atlantique. Nous y avons d’ailleurs déjà lancé un fonds de 650 millions de dollars. Dans ces géographies, nous avons encore un vaste champ d’investissement qui s’ouvre à nous. L’Asie, en revanche, n’est pas une priorité aujourd’hui dans les métiers de l’investissement tandis que nous intensifions nos efforts dans les activités de conseil dans cette région.
Nous sommes ouverts à intégrer de nouvelles équipes pour développer de nouvelles stratégies, mais pas à des rachats. Une approche prudente dans cette classe d’actifs est nécessaire.
On voit dans la société, pas que dans le monde des affaires, une certaine tension qui est palpable. Elle a été très largement exprimée dans beaucoup de pays, y compris le nôtre, et ça se traduit dans le monde des affaires. Cela nécessite à notre sens pour le monde de l’entreprise, de ne pas intégrer uniquement la seule dimension de la maximalisation des profits, mais d’être très attaché aux sujets de RSE qui sont au coeur de notre stratégie.
En effet, nous ne conseillons pas aujourd’hui Adani, ni pour le financement, ni pour le développement de sa mine de charbon Carmichael. De plus, la banque ne conseille plus Adani en ce qui concerne la vente de sa participation dans le port d’export de charbon Abbot Point.
Il n’y a pas de sujet. Par ailleurs, SCOR a décidé de ne pas nous poursuivre.
Source: lesechos.fr