Les investisseurs craignent une plongée dans l’inconnu en cas de sortie de la Grèce de la zone euro.
« L’euro est fragile, si vous retirez la carte grecque, les autres vont s’effondrer. » En février, Yánis Varoufákis avait averti Bruxelles du danger d’un échec des négociations entre la Grèce et ses créanciers. Pendant des semaines, la menace n’a pas vraiment touché des marchés financiers, alors dopés par la politique monétaire de la BCE et la baisse de l’euro. Mais depuis quelques jours, elle semble de plus en plus prise au sérieux et les investisseurs réagissent de plus en plus aux déclarations des uns et des autres sur l’avancement des négociations en Grèce, entre comédie et tragédie. « Mercredi dernier, les marchés ont écouté les Grecs. Vendredi, ils ont écouté les créanciers, » constate Tangi Le Liboux chez Aurel BGC.
La probabilité d’un Grexit n’a jamais été aussi élevée
La raison ? « Le temps file avant la prochaine échéance de remboursement de la Grèce et les discussions d’urgence deviennent chaque jour [ou chaque nuit] une occupation », note Alberto Gallo chez RBS. La Grèce doit rembourser 1,6 milliard d’euros à ses créanciers en juin, dont 300 millions vendredi au FMI. En juillet-août, la facture atteindra 6,7 milliards. Faute d’accord, on ne voit pas comment Athènes pourra éviter le défaut de paiement. Dans ces conditions, de plus en plus d’investisseurs revoient en hausse le risque d’un « Grexit ». Pour Lukas Daalder, chez Robeco, « la probabilité n’a jamais été aussi élevée ». Avec des conséquences difficiles à évaluer à long terme. « Les actifs à risque seraient déstabilisés par une sortie de la Grèce à court terme », pronostique Lukas Daalder. « Le “Grexit” ne serait pas grave financièrement », reconnaît Eric Turjeman, chez OFI AM, alors que le secteur bancaire de la zone a été en grande partie nettoyé du risque grec. « Mais ce serait grave car cela précipiterait la zone euro dans l’inconnu. Et on ne sait pas ce que le marché pourrait faire. Les spéculateurs vont-ils attaquer l’euro, les dettes espagnoles, italiennes ou françaises ? A l’opposée, si l’Europe accepte de tirer un trait sur les créances, ce serait ouvrir la porte à Podemos en Espagne et à tous ceux qui pensent que l’on peut s’exonérer de sa dette. » Pour Paul Jackson chez Source, « le principal risque serait que le marché décide d’attaquer les pays périphériques comme ils l’ont fait par le passé ». Au total, juge Alberto Gallo, « le coût d’une sortie de la Grèce de la zone euro pourrait être supérieur à son maintien, en particulier parce qu’une sortie forcée créerait un dangereux précédent si d’autres pays devaient se retrouver sous pression dans le futur ».
Mettre un terme à la débâcle grecque
Malgré tout, la montée du risque grec ne provoque pas vraiment de panique. D’abord, parce que la BCE a rappelé qu’elle avait les instruments pour éviter toute contagion. « Elle a les moyens de protéger des marchés vulnérables » via ses rachats d’actifs, poursuit Paul Jackson. « Les spéculateurs voudront-ils vraiment parier contre la BCE ? » Ensuite parce qu’un « défaut de paiement ne veut pas dire un “Grexit” », rappelle Alberto Gallo. Athènes aurait, en effet, un mois pour normaliser la situation. Enfin, parce que le « Grexit » pourrait au final être une bonne nouvelle, « en montrant les conséquences d’une sortie de la zone euro qui seraient très négatives pour le pays concerné », selon Julien-Pierre Nouen. Pour Lukas Daalder, une telle issue pourrait permettre un « resserrement des rangs entre les Etats membres qui auraient mis un terme une fois pour toutes à la débâcle grecque ».