En cinq ans, le dispositif de la rupture conventionelle, qui permet à l’employeur et au salariés de se séparer « à l’amiable », est de plus en plus plébiscité par les entreprises. Elles apprécient la sécurité juridique qu’il apporte.
Ni un licenciement ni une démission… La rupture conventionnelle a été inventée en 2008 par un accord signé par tous les partenaires sociaux sauf la CGT. Cinq ans ont suffi pour qu’elle monte en charge. En 2013, l’administration en a homologué près de 320.000. Son installation dans le paysage a participé à la dégradation des comptes de l’Unédic. Par essence inexistant en 2007, ce motif d’inscription à Pôle emploi est devenu un incontournable. Un chômeur indemnisé sur dix s’est inscrit pour ce motif à Pôle emploi, à peine moins que pour une fin de mission d’intérim et plus que pour licenciement économique. À l’heure des économies, il est logique que les ruptures conventionnelles soient dans le collimateur. D’autant que dans leur philosophie, elles étaient censées « blanchir » des séparations à l’amiable auparavant maquillées en licenciements assortis d’une transaction. Le parallèle avec les démissions, non indemnisées par l’assurance-chômage, au moins pendant quatre mois, est donc tentant.
Des ruptures conventionnelles s’apparentant à des licenciements
Mais il faut se garder de tout raccourci. L’enquête publiée en 2012 par le Centre d’études de l’emploi à partir d’entretiens auprès de salariés souligne que « moins d’un quart de l’échantillon présente de nombreux traits communs avec la démission, plus d’un tiers avec des prises d’acte ou des résiliations judiciaires et un peu moins de la moitié avec des licenciements ». Trois salariés sur quatre portent néanmoins un avis positif sur le dispositif, mais c’est parce que, selon eux, il « a permis à une part importante d’entre eux de quitter une situation devenue intenable ». Il est vrai que dans un contexte économique difficile, la crainte de ne pas retrouver d’emploi est forte. Un retournement de conjoncture modifierait certainement la donne.
Ruptures conventionnelles homologuées : quoi de nouveau ?
Problème disciplinaire : la rupture conventionnelle peut-elle le régler ?
Il est en revanche une certitude, sur laquelle n’influe pas le contexte économique : ces ruptures ont apporté une sécurité juridique majeure aux employeurs, ce qui explique son succès encore plus important dans les petites entreprises. La jurisprudence que la Cour de cassation construit arrêt après arrêt en fait un outil très attrayant parce que très sécurisant, à l’opposé de celui sur les licenciements. La haute juridiction a encore rendu récemment cinq arrêts où elle confirme sa volonté de limiter au minimum le contrôle du juge. Comme le résume Yann Leroy, maître de conférences à l’Université de Lorraine dans « La semaine sociale Lamy », « hors du vice de consentement point de salut ! Autrement dit, ni l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les deux parties ni celle d’une irrégularité dans la procédure d’élaboration de la convention de rupture n’affectent, en tant que telles, la validité de ladite convention ». Belle victoire pour Laurence Parisot, la prédécesseure de Pierre Gattaz à la tête du Medef, qui avait assumé de transcrire dans le droit du travail ce qu’est le divorce à l’amiable en droit civil. Tout en sachant que dans un cas comme dans l’autre, il y en a souvent un qui veut la séparation plus que l’autre…